RASSEMBLEMENT NATIONAL Un sondage révèle que Marine Le Pen est la candidate envers laquelle les Français font le plus confiance en ce qui concerne le pouvoir d’achat
- Selon un sondage, les Français ont plus confiance en Marine Le Pen que dans tous les autres candidats de la présidentielle en ce qui concerne le pouvoir d’achat.
- Une carte rarement dans les mains des candidats d’extrême droite, ce domaine ne rentrant pas dans son champ de compétence traditionnel.
- Marine Le Pen récolte ainsi le fruit d’années de travail pour tenter de faire rentrer l’économie et le social dans le programme du Rassemblement national.
A deux jours du premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen est vue comme la candidate la plus crédible sur le pouvoir d’achat, ex aequo avec Emmanuel Macron, selon une enquête Ipsos Sopra-Steria pour France Télévisions et Radio France publiée le 31 mars. Un tiers (32 %) des Français ont confiance dans les deux candidats du second tour 2017, soit 4 points de plus que Jean-Luc Mélenchon (28 %), tandis que Valérie Pécresse (22 %), Eric Zemmour et Fabien Roussel (16 % chacun) sont relégués derrière.
Si le candidat-président est connu pour sa fibre économique, le pouvoir d’achat n’est pas une caractéristique historique de l’extrême droite, rappelle Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS et à l’université de Nice et spécialiste de ces partis en Europe. « Les premiers succès du Front national, dans les années 1980, reposaient uniquement sur les thématiques de l’immigration, de la sécurité et de l’identité nationale », rappelle l’expert, qui note que la plupart des extrêmes droites européennes se concentrent sur ces concepts plus idéologiques qu’ économiques.
Confirmation plus que révélation
Mais alors, d’où vient cette mue opérée par le RN ? Tout a changé avec l’arrivée de Le Pen fille, bien décidée, dès sa première présidentielle en 2012, à « marcher sur deux jambes », comme elle le présente alors : l’une – classique – du parti, basée sur les questions d’immigration et de sécurité, et l’autre sur les problématiques économiques et sociales.
« On l’oublie, mais la campagne de 2012 du Rassemblement national était déjà très portée sur le social et l’économie, rappelle Gilles Ivaldi. Moins celle de 2017. Il n’empêche, cela fait des années que Marine Le Pen se place sur les questions économiques et se construit une crédibilité. » Loin d’être une révélation en 2022, la crédibilité de Marine Le Pen sur le pouvoir d’achat serait donc davantage la concrétisation d’un long travail. « Le volet économique du RN emprunte beaucoup de la gauche économique, donnant au parti un aspect ni-droite ni-gauche très avantageux. Il joue la carte du patriotisme populiste économique », appuie Erwan Lecoeur, sociologue et spécialiste de l’extrême droite. Même analyse chez Stéphane Rozès, président de Conseils Analyses et Perspectives (CAP) et enseignant à Sciences po : « Par rapport à 2017, il y a une plus grande cohérence et une continuité chez Marine Le Pen entre les questions nationales, économiques et sociales. Le travail de plusieurs années à se roder sur ces questions ».
2022 et l’alignement des planètes
2022 apporte aussi son lot de raisons conjoncturelles. Notamment les adversaires dans la course à l’Elysée, particulièrement Emmanuel Macron et Eric Zemmour. Le premier doit composer avec l’image d’un « président des riches et déconnectés du peuple, vu comme un libéral et non un candidat en partie de gauche », poursuit le sociologue. De même pour l’ancien journaliste, « qui présente une politique ultralibérale, faisant passer Marine Le Pen comme beaucoup plus mesurée économiquement et proposant une meilleure politique de justice sociale », tranche l’expert.
Un discours rodé et efficace
Pouvoir parler pouvoir d’achat sans rappeler les thématiques idéologiques est un avantage certain, confirme Stéphane Rozès : « Marine Le Pen profite pleinement d’avoir été l’une des premières à s’emparer de ce thème en 2022, et d’en parler continuellement. » Le clivage politique moderne, qui dépasse l’affrontement gauche-droite, fait aussi ses affaires, continue le politologue. Le tout dans un nouveau cliché : les mondialistes versus les patriotes. « L’idée est que les candidats mondialistes, à commencer par Emmanuel Macron, laissent les Français à la merci de la concurrence extérieure et des bas salaires. Cela renforce la crédibilité de Marine Le Pen sur le pouvoir d’achat », estime le spécialiste de la politique.
Le traumatisme de 2017
Reste une grosse ombre au tableau : le débat de l’entre-deux tours en 2017, durant lequel la candidate d’extrême-droite était apparue dépassée, notamment sur les questions économiques. A-t-elle appris de ses erreurs ? Gilles Ivaldi liste trois leçons principales. D’une part, le programme de 2022 est plus concis que celui de 2017, où la candidate s’était perdue. Le programme de Marine Le Pen ne contient que 72 propositions, contre 385 pour Eric Zemmour et 250 pour Valérie Pécresse, par exemple, énumère le chercheur. D’autre part, la candidate a plus travaillé ses mesures, assure Gilles Ivaldi. Enfin, et peut-être surtout, le programme ne contient plus les mesures les plus polémiques de 2017, notamment la fameuse sortie de l’euro.
Mais surtout, attention à ne pas voir en Marine Le Pen un combo Thomas Piketty/Nathalie Arthaud. Erwan Lecoeur dissipe l’illusion : « Le Rassemblement national n’a jamais eu de programme économique crédible et sérieux, et les mesures économiques pour 2022 restent floues. Cela reste un programme populiste ».